jeudi 15 novembre 2012

Auberge St Laurent, Menu au choix, compte rendu épicurien





Il est toujours agréable, quand on souhaite goûter à tout …ou au moins au meilleur, de
se voir proposer des menus-cartes (menu avec 2-3 choix à chaque plat, reprenant les incontournables de la carte) aussi attrayant. Chaque client doit bien se rendre compte que ce menu « A votre choix » est une porte ouverte sur la cuisine des chefs. A ce sujet, depuis 4 ans le fils a pris la place du père et, sans renier une once de ses enseignements, il trace son chemin et fait ses essais, épaulé par ce qu’il faut considérer comme le meilleur des traits d’union dans une cuisine familiale, le second du père, Régis, 23 ans de maison et de fidélité.


Entrée

Ainsi en passant une tête dans leur antre on sent plus encore monter l’envie d’en découdre  avec cette cuisine, à voir les sourires malicieux de ces deux cuisiniers, on sait qu’on va se régaler. Cet œuf totalement revu et corrigé, ne fait que confirmer cela instantanément et malgré la surprise que l’on nous avait prédite, on ne peut s’empêcher d’être étonné par cette folie douce.
Le jaune, absolument magnifique, vous en conviendrez, a été cuit par l’acidité d’une marinade - secret du  chef - qui l’a quasiment fait coaguler. Il trône dans un crémeux chou-fleur/brocolis à vous faire oublier toutes vos réticences d’enfance. Le blanc quant à lui a été maltraité pour votre plus grand plaisir, il est frit en fils minuscules et cela apporte le craquant. Le salin lui est amené, on ne se refuse rien, par une petite quenelle de caviar d’Aquitaine, et la fraîcheur par des légumes cuits au millimètre. On sent que chaque détail a été pensé-testé, puis assemblé pour faire un tout cohérent ; et ces légumes croquants, romanesco et radis en tête, complètent le panorama et nous ramènent l’esprit au cœur d’une cour de ferme, entre poulailler et potager.


Oeuf de poule de la ferme du « Wolfgarta »
le jaune juste mariné, le blanc croustillant, petits légumes croque – fondants














Vins 

Pour réussir à suivre ce plat, il fallait un peu de gras et pas forcément une présence aromatique marquée, le sommelier nous choisit alors un verre de Pinot Gris 2011, Cuvée des Prélats du Domaine Paul Ginglinger. Son nez est timide et la bouche, à l’entrée franche, prend ensuite de petits accents de fruits jaunes et s’allonge avec le plat.
Le vin suivant sera un Riesling Réserve 2009 de la Maison Trimbach, ce domaine alsacien, présent chez presque chaque étoilé en France et dans le Monde n’est pas une surprise. Malgré cela, il nous étonne tout de même sur ce millésime déjà maintes fois goûté par ailleurs. Ce vin semble se minéraliser et se préciser avec le temps. Cela nous donne un très bel accord sur la puissance et le sérieux avec le plat de homard aux marrons.




Poisson

Ce plat, on nous l’apprend, est une des premières signatures du jeune chef, raison de plus pour le choisir. Le homard braisé se camoufle au milieu d’un jus passionnant, d’une crème de marrons et de quelques détails qui ne le sont pas moins.
On goûte au sérieux et à l’application-maison pour la cuisson du crustacé, très précise. On apprécie la complexité du jus, riche et gourmand mais équilibré par une pointe de jus de carapaces en finale qui lui évite une trop grande pesanteur. L’harmonie avec la purée de marrons, crémeuse et relevé au cognac, est totale en cette saison, les textures se répondent aussi. Avec quelques fins palets de truffe noire, quelques feuilles de shiso pourpre et du pain d’épices en plus, la bouche est bouclée. Bouclée pour en conserver les effluves, capturée les émanations de truffe, un peu timides, découvrir la tension du shiso, apprécier le grillé du pain d’épices, encore tendre au cœur, bref on la boucle pour en profiter…




Homard braisé à la truffe noire du Périgord
crème onctueuse de châtaignes, mouillettes de pain d’épices




Plat            

Nous la rouvrons juste assez pour reprendre notre souffle et pour soupirer d’allégresse et de promesse en voyant arriver le véritable tableau automnal qui vient de nous être posé. Parce que si nous avons grandement apprécié la signature du fils, que dire de la griffe du père ?
C’est un chasseur sachant chasser et ne prélevant que ce qui est raisonnablement disponible, qui décida il y a quelques années de servir l’éventail des possibles sans chercher à avoir forcément toujours de tout. Ainsi ces derniers jours nous avons apprécié un triptyque perdreau / sanglier / chevreuil.
On commence par la gauche, par le perdreau, mais surtout par la viande la plus claire et on aime la gourmandise de cette chair et peau bien grillée. On attaque ensuite la côtelette de sanglier, rosée, plus habituelle mais toujours agréable, surtout aussi bien revigorée par le poivre. Le chevreuil est le plus intéressant à mon goût, avec sa chair rouge-sang, surtout ainsi coupée en escalope dans la pointe du gigot. Le jus fait beaucoup également dans la réussite de ce plat, c’est un joli jus d’expert en la matière. Nous apprécierons également le travail fait sur les accompagnements avec sa purée panais/topinambour, ses poires à gibier et à fermeté (Gieser Wildeman pour les intimes), son coulis de betterave, la figue pochée et j’en oublie certainement tant tout cela semblait évident.  




Tableau de Retour des Chasses d’ici,
 figue, boule d’or & condiment de betterave rouge au vieux vinaigre, spatzlés de ménagère





Vin

Pour espérer accompagner un plat d’une telle intensité, on partirait naturellement vers les vins les plus puissants qu’on ait en cave, pas ici. Le sommelier nous sert alors une petite originalité, avec ce vin de pays 2010 des environs d’Avignon, du domaine de La Janasse, dans une cuvée mélangeant cépages typiques du Rhône avec du merlot (plus habitué lui à la région de Bordeaux). Le résultat est convaincant, la jeunesse et la fougue du jus passent la chair et même le poivre et c’est aussi pour cela qu’on se laisse faire au restaurant, pour découvrir de nouveaux accords captivants. 




Dessert

Pour clore ce dîner, je tombe sous le charme d’une tarte Tatin choisie par la table d’à côté. En la voyant arriver je sais que j’ai fait le bon choix, car si ce dessert offre tous les attraits de la Tatin (en dessous, purée de pommes caramélisées, puis un support de pomme et amandes grillées), il a aussi toute la fraîcheur de la pomme et de la poire. Celle-ci est servie en crème fouetté aérée, sur laquelle repose une glace de granny smith et quelques fins morceaux. Comme souvent au début, on ne veut pas tout casser, on ne sait pas par où l’attaquer, puis vite vient le moment de tout mélanger dans la cuillère et d’apprécier ce dessert complet, goûteux et étonnamment, presque frais. 



Tatin de pommes sous un craquant florentin
mousse à la poire & sorbet granny smith

Arrivé ici, il faut l’avouer, nous n’en pouvons plus, nous sommes repus. Repus et contents que, grâce aux Etoiles d’Alsace, on sorte un peu de nos habitudes, de nos tables favorites, car tout au long de la route d’Alsace, s’égrènent une quantité d’adresses formidables, humaines, à découvrir, bref des adresses qui ne cherchent qu’à partager leur passion avec le plus grand nombre, dont nous faisons tous partie. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire