vendredi 16 novembre 2012

Rencontre avec Laurent Arbeit



Présentez-nous les moments marquants de votre parcours dans la profession. 


Cela commence très tôt car mes premiers souvenirs sont tous liés au métier, c’est un peu flou, je savais à peine marcher que mon père m’amenait déjà aux « Petites Halles » à Mulhouse, en combinaison de ski pour ne pas que je prenne froid. Je passais entre les étals, j’étais obnubilé par la poissonnerie.

Le second moment marquant, a posteriori je dirai qu’il se situe à l’âge de 12 ans, quand pour la première fois mes parents m’emmenèrent dîner à l’Auberge de l’Ill. Là, devant Mr Paul Haeberlin qui me demande ce que je veux faire plus tard, je lui réponds « cuisinier » et quand il me dit que je serai bien chez mon père pour faire l’apprentissage, j’ai répondu du tac-au-tac « non, je veux le faire ici ». Quelques années après j’étais chez eux, je dormais même sur place et avait donc la chance de croiser ce grand homme du monde de la gastronomie tous les matins au café ….  J’y ai passé 4 années formidables, dont les derniers mois à dormir directement chez Mr Paul. J’ai tant de souvenirs marquants de mon passage là-bas que je ne peux tous vous les dire sans une grande émotion.



Le dernier des moments fut sans doute là où je me suis rendu compte que ma cuisine, mes idées s’affirmaient, dans l’épure, le goût, la recherche d’une précision ultime. C’était chez Ducasse au Louis XV, à Monaco, sous les ordres de Franck Cerutti. J’y suis resté presque 4 ans également. J’ai d’ailleurs l’honneur de faire partie des 200 invités pour fêter les 25 ans du Louis XV, dans quelques jours, ça va être  incroyable.       




En cette saison, quels sont vos produits et plats préférés ?

En ce moment, ce que j’adore ce sont les châtaignes ; si dimanche soir il me reste de la purée de châtaignes, je la détends un peu avec du lait et du consommé de gibier pour en faire une soupe épaisse, dans une assiette creuse, avec un peu de büraspack (lard paysan), des mouillettes de pain d’épices et un tour de moulin à poivre, c’est le bonheur.

Dans un registre moins raisonnable, on attend aussi avec impatience l’arrivée des truffes blanches. Chaque année, on fait une petite carte avec 3-4 propositions pour nos meilleurs clients, avec des recettes les plus simples possibles : nouilles fines à l’alsacienne, sauce crème et Noilly Prat, avec une râpée d’Alba au dernier moment, c’est le paradis.  



Donnez-nous un petit conseil de pro pour rendre notre cuisine de tous les jours meilleure.


Le plus évident des conseils, c’est de penser à bien assaisonner ses préparations, sans cela, il manquera toujours une réelle dimension à vos plats.

Sinon pour la viande, moi je vous conseille de bien la frotter au sel de Guérande, uniquement avant la cuisson. Pour une belle pièce de bœuf, mais également de porc, de veau, je la saisis bien à l’huile chaude ou à la graisse de canard, dans une poêle en fonte. Ensuite seulement, je rajoute une noisette de beurre, je baisse le feu et j’arrose. A la sortie, on laisse reposer, puis on la repasse à la poêle au moment de servir, et seulement là je mets le poivre pour éviter qu’il ne brûle et dénature le goût de la viande.  


Citez-nous un jeune employé de la maison dont vous êtes particulièrement fier.

Tiens, je vais vous parler d’un apprenti en cuisine, il s’appelle Tristan Droesch, il a 16 ans et il est très émotif, trop émotif, et dans ces métiers, avec la pression du service, c’est un peu compliqué. Malgré ça c’est un p’tit gars très courageux. De plus, il semble adorer sa formation et je suis sûr qu’il ne donnerait sa place pour rien au monde. Il s’occupe avec moi du repas du personnel et  pendant le service, il est mon responsable des spaetzlés…

  

Avez-vous un souvenir, une anecdote à relater à la jeune génération de gastronomes ?

Ce qui me marque souvent, c’est à quel point on peut trouver un immense plaisir dans une simple ferme-auberge. Quand on monte à pied, après avoir marché pour y arriver, on vous pose un bout de lard et une bière devant vous et c’est la meilleure chose qui soit. Ensuite on vous sert de superbes roestis, râpés au moment, accompagnés d’un rôti. En famille, c’est toujours un excellent moment.
Il y a plein de belles occasions pour se faire plaisir autour d’une magnifique table gastronomique, mais le reste du temps, il y a souvent rien de meilleur que de jolis produits bruts, cuisinés avec simplicité.

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