En cette période où le
baromètre joue les frileux et où les paysages se poudrent à foison, quoi de
mieux que de se réchauffer le cœur et l’âme, à table, au contact de cette
grande cuisine, simplement mise à votre disposition. C’est ce que l’on cherche
dans cette belle salle à un jet de houblon d’Haguenau, et tout aussi proche de
l’Allemagne que de la Lorraine.
C’est ce que l’on
trouve, au Cygne, avec chaque assiette comme nouvelle preuve, car du début à la
fin de ce menu de Formule Jeunes, dans sa version Excellence, nous serons
conquis.
Dès ce trio de véritable
mise en bouche servi avec le champagne, les étoiles s’imposent à nous. De
gauche à droite, nous nous régalons d’un cannelloni fenouil-ananas-anguille
fumée, d’un verre de champignons-topinambours et d’un blanc-manger à la truffe,
empli de jus de bœuf et posé sur un petit sablé. L’effet est saisissant, chaque
bouchée touche au but, et le cannelloni nous donne déjà quelques frissons dans
les papilles. Ces mises en bouche ont surtout la bonne taille et l’immense
qualité de nous exciter l’appétit plus que de le calmer.
Entrée
Et ne comptez pas sur
cette magnifique première assiette pour apaiser vos envies, un tel tableau ne
pouvant que les attiser.
Cette entrée, faite de
produits très simples, est intelligemment très travaillée ; l’effilochée
de tourteau se présente à nous en trois cylindres dont le socle est un support
céleri-concombre pour le croquant, sur lequel repose un tourteau-rémoulade plus
gourmand, mais qui garde toute sa fraîcheur, grâce à la marmelade de pomelos
qui trône dessus.
Effiloché de crabe tourteau, au gingembre et estragon, rémoulade de céleri et concombre, marmelade de pommelos
En fait tout ceci se
complexifie encore grâce à l’apport de gingembre et d’estragon au mélange, mais
tout est si bien dosé que cela ne se révèle qu’à la dégustation. Ajoutons à
cela quelques feuilles savantes en guise de salade, avec un mélange aneth-shiso
pourpre-racines de radis et vous imaginez le festival qui se trame en bouche.
Le décor de l’assiette
finit de nous emporter, par sa beauté tout d’abord, mais aussi par son apport
au plat avec ces quelques bulles sérieusement homardines ou d’autres, légèrement
vinaigrées.
Au bout du compte, une
entrée impressionnante à l’équilibre parfait entre fraîcheur et douceur,
équilibre qui se symbolise dans le pomelos qui garde sa vivacité d’agrume tout
en étant légèrement rendu doucereux par son traitement en marmelade. Que voilà
une superbe assiette aux multiples facettes goûteuses !
Vins
Côté vin aussi on à
décidé de surprendre quelque peu le client, et le jeune sommelier plein de
connaissance et de passion contagieuse y arrive sans mal. Pour cette entrée, il
nous sort déjà des sentiers battus avec un blanc d’Irouleguy, un vin du pays
basque, vinifié, excusez-moi du peu, par l’ancien œnologue de Petrus,
M.Berrouet. Ce Herri Mina 2010 amène encore un supplément d’énergie au plat, sa
dominante est également très fraîche et
cela se marie parfaitement avec le tourteau, et pour finir, quelques notes de
rhubarbe répondent favorablement aux pomelos. Un mariage parfait.
Pour la suite du menu,
il nous déniche un Château Pierre-Bise 2009, sur la cuvée « Le haut de la
garde ». Ce vin nous montre tout le caractère de son cépage, le chenin,
justement maîtrisé par la main de l’homme. En découle un vin gras en entrée,
qui s’étire en fraîcheur ensuite, avec des notes légèrement miellées au nez et
puissantes en bouche. Il se fera bon compagnon de l’œuf fermier et finira de
tout donner avec le fameux cappuccino de homard de la maison.
Suite
Un verre à pied désaxé
nous est alors posé, et il s’en échappe comme un grand air d’hiver. En effet, dans
un lait de poule bien mousseux, on voit trôner un œuf poché, en dessous duquel
on devine le foie gras qui se réchauffe doucement ; sur le dessus, une
petite tartine de truffe nous caresse les narines.
On croque dans la tartine et
on plonge la cuillère avec appétit, pour constater que l’œuf est bien pris,
mais que le jaune garde tout le coulant nécessaire pour amener sa richesse au
mélange. On poursuit, plus profondément encore, passe par le foie gras délicat
qui apporte de la longueur au plat et on découvre que le goût est assumé par le mélange de légumes
d’hiver, dans lesquels on a reconnu du rutabaga, du navet jaune, du choux rave.
Tout cela est tellement de saison que c’est forcément bon !
Oeuf fermier poché coulant, sur une étuvée de légumes d'antan
dans un lait de poule mousseux, dés de foie gras
Interlude
Pour patienter, on nous
propose le célèbre cappuccino de homard - popularisé par l’ancien Chef - une
petite attention de milieu de repas qui est toujours très prisée par tous le
monde. Il faut dire que dans sa tasse à café, il finit toujours par surprendre.
Il est servi très chaud et bien relevé au curry. La petite crème adoucit un peu,
mais les sucs du roi des crustacés marquent tellement le tout qu’on se prend, à
chaque gorgée, une véritable bouffée de
homard. L’accord avec la fin du verre de chenin de Loire est superbe.
Cappuccino de homard
Viande
C’est maintenant au tour
du plat de viande de nous réjouir, avec la canette mise à l’honneur, en filet
et en une douce et longue cuisson. Le Chef aime le canard et nous aussi, surtout
qu’avec cette découpe et ce mode de cuisson, toute la mâche est préservée et
cela décuple ce plaisir carné.
Les morceaux ont été
croûtés aux noisettes et aux cacahuètes mais cela n’est pas trop présent,
laissant toute sa place au goût de la viande. Elle est accompagnée d’un panais
en tronçon, empli d’un mélange de carottes multicolore et de quelques petits
secrets, comme cette très discrète mangue, qui ne dit pas son nom, mais qui
donne un côté très légèrement fruité aux légumes.
Filet de canette, en cuisson longue, croûte de cacahuètes et noisettes,
tronçon de panais farçis, frite de polenta
A côté de cela, on vous
pose encore une grosse frite de polenta et l’on verse sur la viande, au dernier
moment, un jus épais et gourmand, sans trop d’animalité. Le reste de la
dégustation se fera sous forme de jeu constant entre la viande et les légumes,
que l’on trempe dans la sauce ou non. Pour casser le rythme, on se recentre sur
la polenta, très gourmande et enrichie au maïs pour donner encore un peu plus de
douceur. Seule ou avec la sauce, cela suffit amplement à notre bonheur.
Vin
Pour suivre ce plat, le
sommelier continue de nous surprendre : il nous fait découvrir un nouveau
domaine, posé sur un des terroirs prestigieux du Languedoc, dans le célèbre
village d’Aniane.
Cette cuvée Perspectives
2007, du Domaine du Mas des Armes, joue alors de toute sa syrah et de son
grenache pour concurrencer la viande et la sauce et elle y arrive assez facilement.
Les quelques années de bouteille lui on donné un peu d’évolution, ce qui
renforce encore la puissance du vin. C’est un peu fort mais il est aussi fort
intéressant d’ouvrir ses papilles aux vins que d’habitude on ne choisit pas.
Dessert
Pour le dessert, on a le
choix et on se doit alors de piocher dans la palette des créations journalières ;
personnellement, et comme une évidence, je jette mon dévolu sur cette Poire
Williams magnifiée.
Avant cela et pendant
que ce dessert est réalisé, on vous pose un arbre de langue de chat dont nous
reparlerons plus tard, et surtout une petite patience faite d’une mousse de
chocolat blanc et de gingembre, posée sur une compote de litchi. Tout cela se
fond en un plus facilement qu’on ne l’imaginait et un autre petit secret vous
fera pétiller la bouche, pour la préparer avant ce dernier round.
Poire Williams pochée à la vanille, tuile au grué de cacao, chocolat noir coulant,
brunoise de poire en gelée d'eau de vie, glace vanille
Car ce dessert est une
nouvelle superbe assiette dans laquelle on ne peut que plonger ; le
monument est un fruit entier et confit dans un sirop de vanille, mais c’est
surtout que ce fruit est planté d’un cône de cacao, dans lequel on vous verse
du chocolat noir et coulant comme dans vos rêves gourmands. On regarde cela
avec délice avant d’y plonger la cuillère avec envie. A côté se trouve quelques
billes de poire emprisonnéee dans une gelée d’eau de vie du même fruit, qui
donne une petite signature fort agréable. La glace vanille est très bonne
aussi, mais on revient irrésistiblement vers la poire gorgée au cœur et aux
alentours de ce chocolat chaud, suffisamment noir pour équilibrer l’assiette
entière.
Fin
Arrivé à ces extrémités,
on ne peut plus s’empêcher de sourire et de soupirer, transporté par ce repas
qui déjà nous laisse un souvenir marquant, un souvenir dont on sait qu’il aura
bien du mal à s’estomper.
Chaque assiette signée
de Fabien Mengus est une somme de travail et d’application formidable, mais
elles se dégustent très naturellement et s’apprécient simplement, surtout quand
on est couvé du regard par la maîtresse de maison aux petits soins pour ses
clients.
On terminera cette expérience
par un chamallow citron vert et une truffe au chocolat, une infusion et
quelques mignardises d’une précision folle une nouvelle fois. Et avant de
partir, même sans faim, on finit par piocher dans cette composition de langue
de chat nature ou aux fruits de la passion ; des biscuits
simples comme bonjour, qui permettent de vous dire au revoir ; alors
seulement on passe la porte, en se mettant instantanément à rêver d’un retour
prochain…
Un arbre de langues de chat :)
RépondreSupprimerQuel beau résumé.
J'aimerai tant pouvoir profiter de tout cela autrement qu'avec mes yeux.
Mais tout ça me fait déjà rêver... à chaque fois je me dis "ce sera celui là le prochain" et à chaque article suivant je me dis "ou peut-être bien celui là finalement...."
Merci Elodie, que c'est agréable d'être compris...
RépondreSupprimer"à chaque fois je me dis "ce sera celui là le prochain" et à chaque article suivant je me dis "ou peut-être bien celui là finalement...."
C'est exactement c'que j'voulais faire ! :-)
AntoineM