Il y a des restaurants
qui nous impressionnent et puis il y a ceux qui nous rassurent, tout en vraie
simplicité, où, sans flatterie forcée, l’on nous fait comprendre que l’on va bien
s’occuper de nous. On nous emmène alors, non sans fierté, dans la salle
flambant neuve, et on nous installe à notre table.
L’apéritif et la petite mise
en bouche étant ce qu’ils sont, on en vient vite à bout et on garde une envie
intacte d’attaquer ce menu « Formule Jeunes® ». Il se présente ici
dans sa version la plus « simple » et pourtant, vous le constaterez,
il est déjà largement suffisant pour faire un vrai menu de fête et une
découverte de la gastronomie dans ce qu’elle a de plus rassurante : avec
ce qu’il faut de classicisme et quelques idées d’aujourd’hui, avec une belle
générosité, mais sans aucune lourdeur inutile.
En attendant la suite,
on craque, sans y penser, la croûte de ce pain de pomme de terre qui n’a l’air
de rien mais qui est déjà un petit modèle du genre, moelleux mais consistant,
et avec ce qu’il faut de goût de notre chère patate ; il nous poursuivra
tout le repas.
Entrée
On commence par une
entrée fort agréable, où le tourteau est mis en valeur dans des cannellonis fraîcheur.
Ces rouleaux n’ont rien d’italien, ils ont plutôt des accents asiatiques, dans
la gelée, un peu, dans les herbes brutes, beaucoup. Ils enferment ce simple
crustacé, qui, à l’instar d’autres produits et recettes oubliés, sont de plus
en plus souvent appréciés sur les tables gastronomiques.
Cette version est plus
marquée en goût de crabe, il est émietté grossièrement et donc bien plus
présent ; la mandarine permet alors de rafraîchir le palais, quand les
œufs de hareng marinés donnent encore un peu plus de puissance et de profondeur
au plat. Les herbes ajoutent du peps, mais c’est bien par les œufs de poissons,
qui apportent une vraie salinité mesurée, que cette entrée nous fait le plus
d’effet.
Vins
Le sommelier, pierre
angulaire de la maison depuis fort longtemps, nous propose de nous faire
découvrir, pour magnifier ce moment, un tour de France ou un tour des villages
alentours ; nous choisirons, comme souvent, la solution locale. On commence alors par un pinot gris Holder 2010
du Domaine Schoenheitz, un très bon choix car il répond entièrement au plat. En
effet, chaque dominante de ce vin répond à une facette de l’entrée. Il tempère
le tout, passe sur le tourteau, fond son gras dans les œufs de hareng et
s’amuse des herbes. Il finit avec des notes fraîches, ce qui laisse de la place
pour les accords suivants.
Car, pour le poisson, on
nous propose de revenir sur un riesling, celui du tout proche voisin, Francis
Muré, un vin au nez discret mais à la bouche bien décidée. Le millésime 2011
apporte le corps nécessaire après un pinot gris et pour mettre en valeur toute
la consistance des belles Saint-Jacques ; la suite de la dégustation
s’étire légèrement, mais sûrement, avec une belle petite tension.
Poisson
Cette nouvelle assiette
est encore plus à l’image de la maison, et on la voit se poser devant nous, de la
gourmandise plein les yeux. C’est évident pourtant : trois très belles
noix de Saint-Jacques, tout en épaisseur et parfaitement cuites, posées et
escortées d’un petit peu de navet pour l’équilibre et de beaucoup de sauce
vierge pour le plaisir.
Il est rassurant et
éminemment réjouissant de retrouver une cuisson et une présentation « normales »
pour ces célèbres coquilles, quelques fois détournées par ailleurs. On retrouve
là tout le plaisir de couper au cœur de la noix, d’en constater la nacre et de
tremper cela dans la belle huile d’olive compilée aux sucs de cuisson. On y
ajoute une touche de soleil avec ces olives confites et ces quelques légumes
méditerranéens et puis, pour revenir dans
la saison, on retrouve une purée de navet très douce et légère, presque
printanière, qui nous fait redécouvrir l’autre visage de cette racine que l’on croit,
à tort, souvent cantonnée aux amertumes hivernales.
Les Noix de Saint-Jacques juste saisies, sauce vierge aux olives confites
Vin
Pour la viande, on reste
dans l’environnement direct du restaurant et chez un vigneron célèbre se
situant aux portes de cette noble vallée. Les pinots noirs de René Muré et de
sa famille, propriétaire du fameux Clos
Saint Landelin, sont reconnus bien au-delà de la région. Nous découvrons donc avec
joie son entrée de gamme, en millésime 2011, un vin direct avec une robe légère
et un nez assez végétal.
En bouche il est assez
vif et reste léger, sans pour autant passer inaperçu, bien au contraire, car il
ne disparaîtra ni derrière l’endive, ni derrière le pavot et escorte le veau
avec tact.
Viande
Quand arrive le plat de
viande à table, on ne sait plus où donner de la tête et de la fourchette :
la viande est là, très belle, totalement recouverte de pavot ; le vol au
vent est bien en place aussi, généreux et débordant, et on retrouve en plus une
petite quenelle de purée, et surtout, une belle endive au jus pour compléter le
tableau. On entre alors dans l’autre mission de ces menus de « Formule
Jeunes® », nous faire découvrir ou redécouvrir certains goûts et recettes
tombés en désuétude.
Le Mignon de Veau au pavot, Vol au Vent de ris et rognons
Ainsi le vol au vent est servi en petite portion, mais rempli en grande générosité d’une sauce épaisse qui rend le feuilletage de plus en plus tendre, de quelques éclats de ris de veau et d’une bonne rasade de rognons.
Cela nous permet de retrouver tout l’attrait de ce grand classique de la cuisine française, sans trop nous lester. De plus, pour ceux qui trouveraient cela un peu riche, l’endive est là pour apporter l’équilibre, car même si elle est complètement imprégnée de jus, elle garde tout son côté terrien et juste ce qu’il faut de son amertume. Elle nous emmène naturellement vers ces morceaux de veau à la cuisson et au poudrage de pavot d’une exécution parfaite, et vers cette gentille purée de panais qui refait le lien entre tous les éléments de ce plat où transparaissent la maîtrise et l’expérience du Chef.
Fromage
Plus on avance dans ce
menu et plus nous est prouvée la générosité de la famille Koehler, avec cette
petite attention fromagère croustillante qui plait toujours au plus grand
nombre. Ce paquet est composé d’un vrai fromage de chèvre cendré, avec du
caractère, et il est légèrement adouci au miel et simplement agrémenté de
confiture de berawecka.
La Brick de chèvre au miel
Vin
Le dernier vin de ce
repas de fête est un gewurztraminer 2011 de René Klein à Soultzmatt, sur les
notes habituelles du cépage, mais susurrées discrètement, ce qui n’est pas un
mal après un tel repas et pour arriver à accompagner ce dessert à la pomme.
Dessert
Le dessert joue des
textures et des températures pour vous montrer la pomme sous différents
angles : en tatin gourmande, en mousse légère au calvados, en compote, en
gelée et en sorbet. On passe du chaud au glacé, de la température ambiante au
froid, et ce jeu nous permet de finir notre assiette sans nous en rendre
vraiment compte. Il faut dire que la tatin est une nouvelle fois parfaitement
exécutée et donc sérieusement délicieuse, et qu’un juste sorbet de pomme verte
termine toujours un repas de façon agréable, en vous laissant un arrière-goût
de fraîcheur malgré tout.
La Tatin aux pommes, sorbet pomme verte, Espuma Calvados
Nous terminerons ce
repas dans le salon, ravis d’avoir constaté que, malgré ces grands changements de décor, la
maison garde bien toute son âme et ses qualités : celles d’une cuisine, à
l’image d’une famille, généreuse et expérimenté.
Avant de partir, avec le café, on nous dépose encore quelques gâteries sur un coin de table, dont une cuillère citron-framboise du meilleur effet après une telle farandole de plat.
Et comme si tout le
reste ne suffisait pas, on nous remet, avant de partir, un petit coffret-cocktail :
une nouvelle attention signée Massenez pour nous montrer que les liqueurs et
autres eau-de-vie ont toute leur place sur une jeune table, et que, loin de se
cantonner aux fins de repas d’un autre siècle, elles peuvent aussi égayer vos actuels
débuts et fins de soirée de découverte gastronomique.
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