Une Auberge avec un A majuscule,
sur la route de Munster, au cœur de la vallée et avec la vallée dans le cœur. C’est
sur ce terrain que nous emmène Bernard Leray, et on se sent bien dans ce cadre
rassurant et naturellement convivial.
Alors, après ce superbe premier
set d’amuse-bouche et pour accompagner la fin de cette originale coupe de
champagne, on nous dépose un verre rempli d’une très légère crème de marrons,
que le Chef accompagne de quelques dés de pommes et d’un cromesqui de boudin
noir impeccable. On a là tout ce qu’il nous faut pour affronter cette fin
d’hiver en Vallée de Munster.
Entrée
Et cela ne fait que commencer,
car la saison et la Vallée continuent d’être simplement magnifiées avec ce foie
gras de canard chaud, à la cuisson exemplaire, posé sur un miroir de pomme. Il
est servi avec un griespflütta très léger, presque aérien, fondant et blanc au
cœur et bien grillé autour, sur lequel reposent d’autres pommes croquantes.
Mais c’est sur la précision de la
cuisson de cette escalope de foie gras que l’on craque le plus: bien grillé, le cœur est à peine réchauffé tout en étant
uniformément cuit, l’ensemble est très agréablement débarrassé du gras superflu
pour en faire une entrée gourmande et équilibrée. Surtout qu’au milieu de la
dégustation, du bout du couteau on peut gratter le fond de l’assiette et on
tombe en arrêt sur ce très beau caramel de pomme qui apporte le sucre qu’il
faut, mais qui sait garder les saveurs et la touche de fraîcheur propres au
fruit. On termine cette assiette en compilant le tout pour un plaisir certain.
Ce foie gras chaud est accompagné
par un pinot gris 2005, du Domaine Schoenheitz. Il provient du lieu-dit
Herrenreben, qui se trouve à quelques encablures à peine du restaurant.
L’accord est superbe, car ce vin, agréablement fruité au nez et en début de
bouche, montre très vite une légère trace d’évolution qui l’anoblit. Ses
quelques années de bouteilles lui ont permis de fondre un peu de sa douceur
pour la transformer en grandeur, et il est d’une tenue remarquable et
remarquée.
Avec le poisson, on s’éloigne
sérieusement, pour retrouver un chardonnay 2011 du Pays d’Oc et de la famille
Guéry. Ce cépage bourguignon en terre de Minervois et ce vin, encore dans les
traces d’élevage de ses premières années, nous amènent son gras et sa chaleur
et mêlent ses notes de noisettes aux arômes et aux textures « mer &
bois » de ce plat.
Poisson
Car voici qu’arrive, avec ces
noix de Saint-Jacques, un des plats les plus « madeleine de Proust »
de ce Chef. En effet, sa maman avait l’habitude de les mêler à des champignons
dans sa jeunesse bretonne, et il a toujours pris un grand plaisir à faire
découvrir cet accord étonnant à ses clients. Les noix sont très épaisses,
cuites légèrement, recouvertes de lamelles et entourées d’une espuma de truffes
noires bien crémée.
Mais c’est en-dessous de tout
cela que se cache l’hommage maternel, avec ces petits cubes de champignons de
Paris, tellement frais et bien cuits que l’on trouve cela largement aussi bon
que du cèpe hors-saison. Un produit aussi simple peut devenir exceptionnel
quand il est sélectionné avec soin, bien ferme et frais du jour, et le Chef,
dans sa quête « locavore », a trouvé un producteur colmarien pour les
lui fournir.
Toute l’assiette joue d’équilibre
avec ces textures molles qui gardent une certaine fermeté, ces saveurs marines
avec une belle touche forestière pleine de maîtrise, et cette gourmandise
recherchée dans une grande légèreté.
Plat
L’assiette de viande qui arrive à
table est de celles qui parlent tout de suite au cœur du gourmand, les
fragrances qui s’en échappent excitent esprit et papilles, et sa mise en place,
qui rend difficilement en photographie, vous transporte dans la vraie vie.
On ne sait pas par quoi
commencer, alors on coupe dans une missala, cuite au jus, cuisinée sans la peau
pour qu’elle s’en imprègne plus encore ; puis on s’encanaille en prenant
du bout du doigt cette tuile, très légume, et ce samossa, très viandeux, les
deux très agréablement confits et pleins de fumets.
Et quand on se décide à attaquer
la viande, on tombe en arrêt devant la beauté du goût de cet agneau bio. Il y a
la côtelette rosée à coeur, découpée au cordeau, que l’on garde pour la fin,
mais en attendant on se délecte de la selle, fabuleuse de gourmandise avec ces
strates de peau, de gras et de viande qui ne font qu’un en bouche. Le jus de
viande et d’abricot confit accompagne magnifiquement toute l’assiette de ses
notes orientales et la purée de patate douce semble s’en nourrir par
capillarité.
Dos d'agneau Bio, samossa et abricots confits, missalas fondantes
Vins
Le vin qui accompagne l’agneau
n’a rien à lui envier en termes de puissance et d’arômes orientaux. Le Domaine
Montirius, c’est un peu le jardin secret de Martine, l’épouse du Chef, en
charge de la salle et de la cave. Cela fait des années qu’elle fait découvrir
sa profondeur et ses qualités biodynamiques à la clientèle, et ce 2008 ne fait
que confirmer le bien-fondé de cette volonté. Le vin est très intense, il a
suffisamment de caractère pour passer le plat, et il finit sur une grande
tension qui allège l’accord. La vivacité des fruits noir-rouge fait merveille
avec l’abricot et le côté animal répond parfaitement à l’agneau.
Pour finir le repas, nous
reviendrons sur les terres alentour, avec un gewurztraminer du grand cru
Hengst, situé à Wintzenheim, en millésime 2011. Ce vin de chez Wolfberger
apparaît alors assez discret, ce qui est étonnant pour ce cépage et ce terroir,
mais il garde une bouche d’une certaine puissance. Il est légèrement
fruité et plus marqué par les épices en finale ; il accompagnera de ce
fait plus facilement fromage et dessert.
Fromage
Mais le fromage se suffit presque
à lui-même, tant il est travaillé, réfléchi et maîtrisé, car l’on trouve dans
cette « petite » coupelle, une nouvelle fois, toute la
« grande » Vallée de Munster.
On retrouve du Barikass, un
fromage dûment sélectionné, avec ce qu’il faut de gras et de notes fleuries,
une gelée d’aspérule qui amène le végétal et la glace de panais, qui
surprend et fait le lien entre les goûts et les textures. Avec cette assiette,
le Chef nous surprend et nous livre un extrait des prés de la Vallée de toute
beauté.
Copeaux de Barikass, glace panais et gelée d'aspérule
Dessert
On finira le repas par une belle
composition et un dessert tout en hauteur, autour de l’ananas travaillé en
plusieurs façons : il se présente en carpaccio au fond de l’assiette, en
filaments sucrés dessus, en glace dessous, et dans le tube choco-croustillant,
une crème mascarpone montée au rhum en est l’évidente complice. On retrouve
dans cette assiette complète et maline notre envie d’évasion et de fraîcheur,
après avoir apprécié tous les goûts des terroirs alentour durant le
repas.
Tube croustillant,
biscuit moelleux et marmelade d’ananas,
crème montée mascarpone et sorbet
ananas
On choisit encore une infusion, et on termine ce tour gourmet avec ces quelques mignardises dont on retiendra le « doigt de fée », cette pâtisserie feuilletée et glacée au sucre, ainsi que ce chocolat à la reine des prés, comme marqueur de ce repas où, mine de rien, on nous a souvent fait voyager.
Sans bouger de cette salle
douillette, on a pris un grand plaisir à partir dans les souvenirs d’ailleurs
et d’enfance du Chef Bernard Leray, comme dans sa vision des terres de Munster.
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