Présentez-nous
les moments marquants de votre parcours dans la profession.
Il y a un moment particulièrement fort dans cette vie professionnelle,
c’est le vrai début, en 1986, quand j’ai repris l’entreprise paternelle. Ce
passage de témoin, c’est le moment où je suis devenu chef d’entreprise et cela
marque forcement une vie. Mon père n’était pas loin, mais il a tout de même
quitté l’entreprise assez rapidement finalement. J’ai alors repris l’affaire
avec une grande envie de la développer. A l’époque, nous étions une belle
petite boulangerie de quartier, aujourd’hui, je suis particulièrement heureux
de constater que nous avons un nom qui compte dans la profession, en Alsace,
mais pas seulement.
L’année 1992 fut déterminante également, car c’est celle où j’ai
intégré les « Etoiles d’Alsace », grâce à Fernand Mischler, mais,
surtout, c’est cette année que nous avons participé aux Jeux Olympiques d’Albertville.
Tous ensembles, nous avons tenu un restaurant gastronomique VIP et éphémère, à
Val d’Isère, au pied de la descente olympique, la fameuse « face de
Bellevarde ».
J’y suis allé avec toute mon équipe pour m’occuper des pâtisseries, et,
pendant deux semaines, nous avons servi près de 15 000 couverts. Vous
pourrez demander aux autres membres présents, ce fut un moment très fort pour
chacun d’entre nous. C’était un tel défi que cela a vraiment resserré les liens
de ceux qui ont vécu cette aventure.
Il y a eu aussi mon intronisation, en septembre 2001 aux « Relais
Desserts ». J’ai eu la chance d’être accepté dans cette association,
regroupant les plus grands noms mondiaux de la profession et prônant la
« Haute Pâtisserie ». On se retrouve régulièrement et ce sont des
moments vraiment très fructueux où, l’on échange nos idées, nos technicités
propres. On se serre les coudes entre grands professionnels et on en retire
toujours quelques idées nouvelles qui font la différence plus tard.
Cette saine émulation me ravit et me pousse sans cesse à vouloir faire
partie des meilleurs.
En
cette saison, quels sont vos produits et plats préférés ?
Là, maintenant, tout de
suite, je mangerais bien une part de ma tarte Rhubarbe/Chiboust. Cette
tarte, c’est le printemps qui arrive…Je l’apprécie particulièrement, car elle a
tous les attraits et le peps de la tarte à la rhubarbe, avec ce petit côté
acidulé, auquel on ajoute le plaisir entier de la crème Chiboust à la vanille.
La Chiboust - très rarement travaillée dans la région - est une crème
pâtissière très riche, que j’ai allégée au maximum avec des blancs d’œufs montés
en neige.
Sinon, en ce moment,
j’ai comme tout le monde de grandes envies de chocolat, et dans ce cas-là, en
attendant les fêtes de Pâques, je me fais plaisir avec mon « Palet
Or », avec sa ganache fondante faite avec un chocolat de St Domingue. J’aime
particulièrement cette provenance, j’aime la pureté du « criollo »,
sa longueur en bouche et cette douce puissance qu’il développe sans brutalité.
Donnez-nous
un petit conseil de pros pour rendre notre cuisine de tous les jours meilleure.
Parlons d’une simple tarte : je
conseille toujours de faire sa pâte soi-même au lieu de l’acheter en
supermarché. Il vous faudra alors travailler au beurre, au bon beurre, le
meilleur que vous trouvez et ne pas essayer d’économiser là-dessus, car
beaucoup du plaisir à la dégustation se joue là. Il vaut mieux en manger moins
souvent, mais se faire vraiment plaisir avec de bons produits. Et si vous
travaillez au beurre, il faut toujours essayer de faire votre pâte le jour
d’avant et de la laisser reposer une nuit au frigo.
Ensuite, le dernier
conseil primordial pour la réussite de votre tarte, c’est de toujours faire précuire
la pâte, la cuire à blanc. Étalez la pâte dans un moule, mettez une feuille de
papier-cuisson par-dessus et répandez des haricots secs dessus, puis enfournez
pendant une demi-heure, à 160° (thermostat 6) environ pour un moule de taille
normale. Avec ces petites astuces, vous goûterez la différence…
Dernier point, et non
des moindres, il vous faudra toujours faire attention à l’emplacement où vous
stockerez votre beurre, votre chocolat ou votre gâteau dans le frigo, car ces
produits sont des aspirateurs de saveurs. Faites bien attention alors de ne pas
mettre vos préparations (à moins de les filmer et de les mettre dans des
boites) ou vos pâtisseries à côté de la
viande, du poisson, du fromage. Si vous n’avez pas de place au frais, en
ce moment, il vaudra presque mieux laisser cela à la cave ou la nuit sur le balcon
(en le protégeant bien évidemment) pour s’assurer du meilleur goût le
lendemain.
Citez-nous
un des employés de la maison dont vous êtes particulièrement fier.
Même si chacune et chacun de nos employés a de l’importance, je
voudrais vous citer mon second, Alain Beetz. C’est vraiment mon bras
droit et mon chef de production, et il faut avouer que si la Pâtisserie Daniel
Rebert a une telle renommée aujourd’hui, c’est aussi grâce à lui.
C’est quelqu’un qui a beaucoup de talent, qui est très créatif et qui
à la rigueur nécessaire pour faire un grand professionnel. Il a 44 ans, dont 29
passés à nos côtés ; il est venu faire son apprentissage chez nous et je
ne l’ai jamais laissé partir depuis !
Avez-vous
un souvenir, une anecdote à relater à la jeune génération de gastronomes ?
Des grands moments de
bonheur à table, j’ai eu la chance d’en vivre plein dans mon existence, mais
vous savez, je pense que, déjà, quand c’est bon et que c’est partagé avec des
gens qu’on apprécie, même si c’est simple, c’est toujours le pied !
Sinon il y a un moment
qui me revient souvent en mémoire, c’est quand nous sommes allés faire
« L’Alsace au Japon » en 1997. Vivre ces instants avec mes collègues "Etoiles d'Alsace",
participer à l’aventure, voir Emile Jung, par exemple, inventer une sauce en
quelques instants, à la dernière minute, la goûter ensemble, vivre ces moments
où un simple petit coup de génie fait la différence….c’était passionnant.
Enfin nous retrouver
tous ensemble, à présenter le meilleur de la haute gastronomie alsacienne, au
60ème étage d’un grand hôtel de Tokyo, avec
une vue formidable et le couché de soleil sur la ville, c’est une image qui
reste toujours aussi précisément gravée dans ma mémoire...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire