jeudi 21 mars 2013

Rencontre avec Laurent Kieny




Présentez-nous les moments marquants de votre parcours dans la profession.

Parmi les moments qui m’ont le plus marqué durant ma vie professionnelle, il y eut tout d’abord ces deux finales pour le concours de Meilleur Ouvrier de France, en 2007 et en 2011. J’ai échoué à la porte du titre suprême, autant la première fois je me suis rendu compte que je m’étais un peu loupé, en revanche pour la seconde, j’ai été grandement déçu, et je n’étais pas le seul ! (famille, amis et professionnels reconnus)
J’ai la grande fierté néanmoins d’être arrivé deux fois en finale (ce n’est pas donné à tout le monde), sortant la tête haute à chaque fois, et très fier de mon travail. Ces échecs ne sont pas très graves, l’expérience était passionnante malgré tout. J’ai beaucoup appris, non seulement, sur mon métier, mais également sur les personnes… On relativise… L’important c’est la famille et faire tourner son entreprise.

Mais le moment le plus fort, c’est évidemment la création de la boutique, en 1994, toutes les dernières réflexions qu’elle a générée, car nous avons du penser à tout, du sol au plafond, des recettes à l’emballage. Nous avons dû tout inventer, tout créer, tout penser et, comme pour tout entrepreneur, il y a ce moment où l’on signe l’emprunt, avec un nombre de zéros qui fait trembler. On a beau essayer de faire des prévisions raisonnables, quand on signe ce genre de document, c’est un grand moment, pas forcément agréable, mais qui fait grandir !

Bien sûr, pour tout cela, je remercie mes maîtres d’apprentissage, mais aussi et surtout mes parents, car ce sont eux qui m’ont donné le feu sacré et l’impulsion, et sans leurs cautions, morales et autres, cela aurait été encore beaucoup plus difficile de me mettre à mon propre compte.






En cette saison, quels sont vos produits et plats préférés ?

Le chocolat, personnellement, je l’aime noir, c’est incontestable. J’aime mon « Palet Or », fait avec un chocolat de Saint Domingue 70%, en ganache, légèrement amer, décoré d’or moucheté. Sinon, chez nous, on adore aussi le « Diamant Noir », comme nos clients, et c’est le gâteau officiel de nos repas de famille. 

Avec le printemps qui arrive, j’ai hâte aussi de manger mon premier « Fragola », un gâteau composé d’un biscuit citron, d’une pannacotta vanille, d’une mousse fraise et de quelques guimauves. J’aime beaucoup cette texture gourmande de la pannacotta, bien équilibrée par le citron et la fraise.  

Donnez-nous un petit conseil de pros pour rendre notre cuisine de tous les jours meilleure.


Pour faire fondre le chocolat, j’ai un conseil à vous donner : s’il vous plaît, n’ajoutez rien et surtout ne mettez plus d’eau, pas même quelques gouttes, car c’est une hérésie.
(Explication : votre chocolat va épaissir et ensuite vous allez encore devoir rajouter plus d’eau).
Pour réussir à faire correctement fondre votre chocolat et à garder toutes ses propriétés, il faut le faire idéalement au bain-marie, ou par petites séquences de 10-15 secondes au micro-ondes, mais ce n’est pas l’idéal. Il ne faut jamais le mettre directement sur la flamme, car il brûle très rapidement, une fois cramé, vous n’avez plus qu’à le jeter. 

Un autre petit conseil, pour réussir et alléger une tarte de Linz, je vous conseille d’ajouter, pour 1 kg de confiture de framboises, 500g de compote de pomme traditionnelle, fine et sans morceaux. Cela désucrera votre dessert et empêchera le côté un peu collant de la garniture après cuisson. Faites précuire votre fond de tarte, ajoutez le mélange et remettez au four jusqu’à la limite de l’ébullition, votre « Linz » n’en sera que  meilleure.

Citez-nous un des jeunes employés de la maison dont vous êtes particulièrement fier.

Nous sommes une petite dizaine dans la maison, je pense à chacun d’eux ; à ma femme, Martine, en premier lieu, car sans elle, sans son soutien et son travail, je n’en serais pas là aujourd’hui.

Je souhaite tout de même mettre en avant avant Yannick et Anne-Catherine, mes fidèles pâtissiers qui sont là respectivement depuis 19 et 11 ans. J’ai la chance de pouvoir compter sur eux, ce sont de véritables personnes de confiance. J’aime, également, rappeler aux jeunes qui commencent dans le métier (et à chaque fois qu’il le faut !), que nous sommes «  juste des pâtissiers, pas des stars ». On ne fait que mélanger du sucre, de la farine et des œufs…






Avez-vous un souvenir, une anecdote à relater à la jeune génération de gastronomes ?

Deux évènements mémorables :

Une première anecdote très marquante fut de passer un Noël à l’Elysée, pendant mon service militaire, car j’étais de permanence ce soir-là. Heureusement mon père nous avait préparé une belle terrine de foie gras d’un kilo et on l’a partagée, en fin de service, sur le côté du vestibule d’honneur, dans le bureau du fond. On avait tiré une table, on était six ou sept et on s’est partagé ce foie gras, avec une excellente bouteille, en toute camaraderie : dans ce palais républicain, c’était vraiment un superbe moment !       

Mais la chose la plus folle que l’on ait fait par amour de la découverte gastronomique, c’est sans doute d’avoir pris l’avion pour un repas. Un jour, un ami passionné, Eric Olivier (avec qui j’ai partagé le foie gras à l’Elysée), m’appelle et me demande si je veux aller manger chez « El Bulli », car il avait réussi à avoir une table chez le célèbre cuisinier moléculaire catalan, Ferran Adria… ni une ni deux, nous acceptons, sans aucune hésitation.
Après avoir pris nos dispositions et nos billets d’avion, nous arrivons dans la fameuse Cala Montjoi pour ce moment inoubliable. J’ai adoré, et ce soir-là j’en ai vraiment pris plein la figure…Il est difficile de décrire une telle expérience ou même l’un ou l’autre des trente-six plats qui nous ont été servis ce soir-là, mais c’était le 17 septembre 2009 et je me rappelle encore parfaitement de ce grand moment !

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