En ce jour, nous
choisissons de goûter la fameuse « Formule Jeunes » maison, en
souvenir de quelques autres moments délicieux que nous avons passés avec cette
formule, dans cette salle, depuis le début des années 2000.
On nous apporte alors une
coupe de Champagne Taittinger et un premier petit service en guise de
bienvenue, du pain brioché, toasté, un chèvre frais délicatement réveillé par
le citron (jus mélangé au fromage, zestes parsemés) et quelques herbes et
fleurs.
C’est simple comme
bonjour, ça nous installe l’esprit et les papilles dans le décor.
Car rapidement arrivent
les amuse-bouche, avec à gauche un évident maki de saumon et à droite, un
velouté de saison. Ce service est à l’image de tout le reste, c’est simple mais
absolument pas dénué d’intérêt et même d’une touche d’originalité, car si le
maki est avant tout très bon et bien fait, le velouté lui, cache bien son
jeu : du panais pour la base, de la citronnelle et du lait de coco dompté
pour s’évader.
Entrée
Quelques instants plus
tard, nous rentrons dans le vif du sujet avec ces gambas croquantes, qui reposent sur un tartare de légumes coupés au
millimètre et recouvertes d’une fine tuile au sésame.
Cette entrée, tout en
fraîcheur et en justesse est un parfait point de départ ; avec un produit
simple, le chef nous régale et nous apprend quelque chose. Il nous montre que
la gambas, banalisée par trop d’élevage et de médiocrité, n’est pas à cantonner
aux cantines surgelées.
La vraie gambas,
sélectionnée pour sa qualité et respectée en une cuisson exacte, c’est aussi un
produit de gastronomie. On retrouve la chair rôtie qui craque sous la dent,
tout en gardant le cœur translucide et fondant. Mais le plus intéressant c’est surtout
qu’on retrouve son goût propre !
L’habile mélange
d’herbes joue également son rôle et égaie la dégustation. Les légumes et la
tuile qui se casse apportent le croquant, aidés en cela par quelques billes de
concombre, et c’est un jus savant (avec de la coriandre en grain et de la
cardamome…entre autres) qui enrobe le tout en accentuant le plaisir immédiat.
Tartare de légumes et gambas rôties, tuile au sésame
Poisson
La suite, elle va
crescendo avec cette fricassée de homard parfaitement dans l’air du temps, le
crustacé est de toute première qualité, la cuisson est différente mais, une
nouvelle fois, des plus appliquée.
Quand à la recette c’est
un travail de titan, chaque composante de l’assiette est en parfaite harmonie
avec le reste et avec la saison. Le homard se dissimule dans un capuccino
butternut/marrons et un mélange de mystère que l’on découvre au fur et à mesure
que la cuillère plonge.
C’est simple, chaque
bouchée ou presque nous révèle un nouveau pan qui complète le précédent, on
attaque par la truffe de bourgogne et les girolles qui font comme une signature
forestière à la pince. Avec la queue, plus ferme, on croque dans quelques cubes
de cette courge musquée. On se délecte du jus, puis l’on va plus profond
encore, découvrir l’esprit du Berawecka.
Ce qui pourrait emporter
le plat et la finesse du produit est une nouvelle fois formidablement maîtrisé,
amenant ce qu’il faut de gourmandise, un trait d’agrumes et une once de fruits
secs et confits. Ajoutez à cela les derniers oignons de mai qui baignent au fond
et se nourrissent de tous ces sucs et vous obtiendrez un plat parfaitement
entier, plein de mille et un secrets.
Fricassée de homard et girolles, truffes de Bourgogne
Vins
Ces deux plats appellent
le riesling et permettent de nous en révéler deux visages diamétralement différents.
Le premier, celui dédié aux gambas, est un grand cru Pfersigsberg 2011 du
coopérateur notoire Wolfberger. C’est un vin d’un abord simple, il est
tellement marqué par un millésime relativement riche et un terroir qui ne l’est
pas moins qu’il se fait presque doux, comme la chair des gambas. Ses fragrances
exotiques se marient très bien avec la sauce orange-épices de cette entrée.
Ensuite on revient avec
plaisir à plus de sérieux, chez un autre coopérateur, avec la Réserve 2005 de
la Cave de Ribeauvillé. On change totalement de registre et de terroir et ce
riesling issu de vieilles vignes a suffisamment de prestance et de patine pour
dompter et accompagner les arômes mêlés de ce superbe plat.
Viande
Ensuite, une poitrine de
pigeon aux artichauts nous est servie ; une spécialité du chef où, une
fois encore, chaque détail est cuisiné, amélioré. La viande évidemment a eu droit
à un soin constant : le flanc est parfaitement saignant au cœur et rôti
autour, très fondant ; l’aile est d’une précision singulière et le reste
de la patte est emprisonné, avec quelques nobles restes de parure de veau de
lait et de bœuf Angus dans un cigare gastronomique.
Le reste fait plus que
de la figuration, les girolles et légumes nous reposent pendant que les jus de
viande et de persil jouent avec les composantes majeures du plat, car hormis la
prégnance de la viande, c’est bien l’apport de l’artichaut qui fait la
différence. Il amène sa richesse, mais également son amertume pour tempérer le
plat, sans en dénaturer la force. L’assiette est complète et son morceau de
bravoure se situe dans cette aile si fragile. Sa cuisson est des plus subtiles et
quand c’est grillé dehors et moelleux dedans, en une bouchée (pour ça, prendre les
doigts, discrètement mais sûrement) vous arrachez peau, chair tendre et plus
nerveuse d’un coup et c’est tout le fumet du pigeon que vous découvrez.
Poitrine de pigeon, artichaut poivrade et croustillant
Vin
Ce qu’il y a de bien avec ces formules, c’est qu’un casse-tête se transforme en machine à découverte : souvent pour tenir un budget tout en accordant le repas au mieux, on s’arrache les cheveux devant la carte des vins, avec la « Formule jeunes », il suffit de se laisser driver. Avec ce pigeon, je n’aurais jamais choisi ce Graves 2006, Château Plégat-la Gravière alors qu’il fut agréable à découvrir. Le nez est marqué par la région et la bouche a assez de sévérité pour passer sur le pigeon. L’entrée en bouche se fait presque fraîche, la suite bien plus ferme, il accompagne le plat sans risquer de le déranger.
Dessert
La mangue est sans doute
le meilleur fruit exotique qui soit, surtout quand elle est prise à maturité,
alors pour clore le repas en retournant vers le plaisir intense et simple, le
chef la mélange avec du fromage blanc très légèrement raffermi, posé sur un
palet sablé. Mais le grand bonheur de ce dessert c’est bien cette glace (faite
maison bien sûr) de mangue et de fruits de la passion. C’est la quintessence
des deux fruits que nous avons là, avec la richesse et la douceur de l’un et la
très légère acidité de l’autre, elle complète ce dessert de cuisinier, suffisamment
évident pour être forcément apprécié de tous.
Symphonie fromage blanc et mangue, sorbet mangue-passion
Alors, c’est en
retournant perdre son regard dans ce paysage de début d’hiver et son esprit
dans ces délices facilités qu’on fini tranquillement le repas par une infusion,
servie avec quelques dernières douceurs plus pâtissières.
A ce moment précis, on se
dit qu’on a vraiment de la chance en Alsace de pouvoir profiter de ces offres exceptionnelles
pour fréquenter les plus belles tables de la région, dont celle de ce chef. Parce
qu’avec un tel programme, à un tel tarif (69€, tout compris, faites tourner !!!),
la découverte des douceurs gastronomiques est plus que jamais à la portée d’un
plus grand nombre et c’est vraiment formidable ainsi.
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