vendredi 14 décembre 2012

Rencontre avec Patrick Fulgraff

 Présentez-nous les moments marquants de votre parcours dans la profession.

Ma vie est simple, je suis tombé dans la marmite des cuisiniers dès ma naissance, mon grand-père puis mon père avaient un restaurant reconnu à Colmar (Hôtel-Restaurant du Musée). En 1970 il change pour s’installer au « Fer Rouge ».
J’y suis venu fin 1976 pour prendre sa suite parce qu’il était très malade. Deux ans après, je décrochais l’étoile Michelin que j’ai gardée jusqu’à la fin de l’aventure, pendant plus de 25 ans.

Mon apprentissage s’est déroulé en 3 actes majeurs ; le premier ce fut 3 ans passés, au début des années 70, auprès de Jacques Pic à Valence, c’était un homme formidable, presque un deuxième père pour moi. C’est lui qui m’a envoyé ensuite chez Claude Peyrot, au Vivarois pendant 2 ans ; celui-là aussi c’était un génie de la cuisine. J’ai fini ensuite par quelques mois chez Paul Bocuse. Trois maisons et neuf étoiles au compteur, ça forge une volonté. Plus tard, j’ai également été Président des Jeunes Restaurateurs France, puis Europe pendant respectivement 6 et 3 ans.

Mais ce qui m’a marqué le plus profondément c’est cette jeunesse vécue dans un restaurant, mon père se levait tous les matins à 6h, lançait les fourneaux et commençait immédiatement à cuisiner.
Dès le réveil nous baignions dans les effluves de cuisine et quand je rentrais de l’école, il me faisait systématiquement goûter quelque chose, un plat nouveau, une sauce. Très vite, je suis venu spontanément pour l’aider, et dès la fin 1969, je savais que je serai cuisinier.    





En cette saison, quels sont vos produits et plats préférés ?

Personnellement, j’aime beaucoup le poisson. Quand je le travaille, j’essaie toujours d’avoir cette vision-Peyrot, partant du produit, avant de l’adapter au retour du marché.

Maintenant par exemple j’ai envie de belles coquilles St Jacques car c’est la pleine saison. Pour la cuisson je la jouerai traditionnelle, bien cuite au beurre et à la poêle, je l’accompagnerai bien d’une tombée de choucroute et d’une sauce au riesling infusée aux couennes de lard. Avec ça, je me ferai une petite purée de pomme de terre (sans crème, ni lait, juste liée aux jus de cuisson émulsionnés) aux lardons grillés. Pour finir je renforcerai le côté iodé par quelques moules de Bouchot, juste cuites, à peine ouvertes, cela se mariera fort bien avec le côté fumé du lard qu’on retrouvera dans le chou et les pommes de terre. 


Donnez-nous un petit conseil de pro pour rendre notre cuisine de tous les jours meilleure.

Ce que je vous conseille tout d’abord, c’est surtout de prendre votre temps, de découvrir par vous-même, de partir à la découverte des marchés, des halles, des producteurs des environs.

Sinon pour la cuisine en général, je vous conseille de toujours voir votre recette comme une dissertation, de la penser sous l’angle : Introduction / Développement / Conclusion.
Cela fonctionne pour toutes les recettes, de la plus simple à la plus complexe ; dans votre réflexion comme dans vos gestes, partez de l’introduction : votre produit principal, poursuivez par le développement : le type de cuisson, l’accompagnement, la sauce et finissez par la conclusion : le décor, la présentation dans l’assiette.
Je pense que cela ne sert à rien de faire plein de fioritures et de cinéma dans l’assiette si le produit et l’accompagnement principal ne sont pas l’élément central de l’assiette, de son rendu. 


Citez-nous un des employés de la maison dont vous êtes particulièrement fier.

C’est évident, je vais vous parler de Marilù Gatto, celle avec qui je fais équipe depuis si longtemps. Si aujourd’hui je peux me concentrer sur mes achats et ma cuisine, c’est parce que c’est elle qui gère tout le reste. Elle s’occupe de l’administratif, du côté commercial, du décor, de la vente en boutique…
Cela fait plus de 20 ans que l’on travaille ensemble alors on se connaît bien, avec nos qualités et défauts respectifs. De plus, elle connaît ma cuisine par cœur, ce qui nous permet d’avoir un fonctionnement très naturel et complémentaire auprès de nos clients.




Avez-vous un souvenir, une anecdote à relater à la jeune génération de gastronomes ?

Je me rappelle de ces nombreuses « Semaines françaises » que j’ai animées à l’international, au Liban, Maroc, en Suède, Allemagne, Hollande, Italie entre autres.
Mais la plus marquante de ces expériences s’est déroulée à New York, quand j’ai cuisiné pour Jackie et John-John Kennedy et également pour Richard Nixon dans un grand Hôtel sur Madison Avenue.

Pour l’anecdote, je souhaitais le rencontrer à la fin du déjeuner, le directeur me l’avait pourtant interdit, pour ne pas le déranger. Je suis alors passé par la porte de service pour l’attendre sur le trottoir.
Quand il a su que j’étais ce chef français qui venait de cuisiné pour lui, nous nous sommes mis à discuter, 5, puis 10 minutes pour en fin de compte papoter 40 minutes ensemble, sur le trottoir, très naturellement ; il me posait beaucoup de questions sur la cuisine française et sur l’Alsace…c’est un fort joli souvenir. 

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