Michel Husser est au
tournant du siècle en matière de cuisine, entre ancienne et nouvelle, il sert de
pont entre les générations. Des envies de Japon, l’amour de la tradition
alsacienne, des fleurs d’ici, des épices d’ailleurs…il englobe le tout et nous propose
ces assiettes et recettes signées.
Entrée
Convaincu par
l’amuse-bouche, on se laisse souvent tenter ensuite par les propositions
exotiques des entrées. Pour ma part j’ai choisi la découverte avec cette
crevette Qwehli en marinade japonisante. Ce tableau fraîcheur, cru-cuit,
parsemé de fleurs, on croit que l’on en arrivera trop vite à bout, mais à la
dégustation c’est autre chose.
Cela nous émoustille
tant les papilles que l’on prend son temps, non pas que les épices brûlent ou
que le saké saoule, mais c’est parce qu’on ne veut rien en perdre. Il faut dire
que c’est rare de retrouver une telle maîtrise de l’acide et du piquant dans ce
genre d’adresse.
La crevette, élevée en
Mozambique sous un haut régime biologique, est à peine cuite par la marinade
saké-yuzu, elle est tendre et repose sur une fine tranche de pain et se mélange
avec quelques pousses des jardins. Le taboulé est de quinoa, pas triste avec
ses petits légumes croquants en salpicon et quelques filaments de coriandre, il
amène du croquant. Mais c’est le yuzu et le poivre Voatsiperifery de Madagascar
qui font presque pétiller la bouche et qui nous éclaircissent l’appétit.
La marinade de grosses crevettes Qwehli au saké et yuzu, taboulé de quinoa, moutarde au gingembre
Vin
Avec cela le choix du
vin est très intelligent car l’on me propose un Pinot Blanc 2010 d’André
Kientzler à Ribeauvillé. Il a ce qu’il faut de justesse et de simplicité pour
éviter le trop-plein de sensations mais surtout il sait s’effacer devant la
recette et nous calmer la bouche par son sérieux et sa sagesse.
Plat
Parce que ce qui va
suivre a tout du très sérieux, avec ce plat de cochon de lait, cette ré-interprétation
sans dénaturation de la fameuse choucroute locale, en version
gastronomique. Aucune (bonne) raison pour autant d’en faire une mousse de chou
et une gelée de cochon. Non la vision-maison c’est plutôt : comment mettre
le meilleur d’un cochon de lait et du chou pour faire goûter ce plat aux coureurs
d’étoiles, marqués par trop de déceptions dans les adresses lambdas d’ici ou de
là.
Alors pour rassurer le
chaland et le visiteur, la présentation est classique mais chaque morceau de
viande est travaillé. Les petits carrés de cochons sont savamment taillés et
bien blancs, la noix est tendre, le gras est fondant. Mais c’est un autre petit
moment de grâce qui participe au grand intérêt du plat, avec le foie de canard,
fumé, puis poêlé. Le rendu olfactif est vraiment étonnant, à l’aveugle vous pourriez croire que c’est la meilleure
saucisse de votre vie tant la texture du foie s’est raffermie et tant le fumé
est juste.
Nous nous attardons sur
le chou également, pour voir ce qu’il nous apprend. Comme les raisins dans la
région, il est en ce moment au top de sa maturité, il est tellement nouveau
qu’il se fait tendre mais c’est aussi car ici on ne sélectionne que la variété
dite « fil d’or » (the best of the chou).
Déjà comblé on attaque
le reste des béatilles, l’échine légèrement panée à la moutarde, le pied
désossé puis ré-aggloméré, la couenne caramélisée, de superbes morceaux de
gourmandises non coupables. On en arrive à bout à force de volonté et parce
qu’on ne croise pas une choucroute comme celle-là tous les jours, croyez-moi.
Le carré de cochon de lait caramélisé à la moutarde, quelques béatilles,
foie gras fumé et poêlé, choucroute toute nouvelle
Vin
Avec ce plat des plus
local, buvons un vin du coteau sur lequel on est assis ; en effet le
chemin qui part derrière le restaurant monte vers les chapelles certes mais
aussi vers le grand cru Steinklotz. Il faut donc le goûter, on choisit alors le
2008 de Fritsch, en cépage riesling bien sûr. Le vin rempli son office même
s’il est étonnement tendre pour le millésime, il a néanmoins assez de puissance
à mettre en face de toutes ces belles cochonneries, il déglace le palais grâce
à son petit côté acidulé et c’est toujours passionnant de goûter le terroir dans lequel on va sans
doute flâner plus tard, après le repas.
Dessert
Le baba à l'alsacienne au Kirsch
Car il nous reste
quelques mignardises à picorer, dont la sélection du moment des macarons qui
retiennent l’attention. On se rend compte à la première bouchée que l’exercice est
maîtrisé ici depuis des années, bien avant que la mode ne s’en empare et que l’on
en retrouve partout. Il est donc agréable de retrouver ces petits gâteaux aux
coques qui craquent sous la dent et à la meringue qui fond en bouche, relâchant
des arômes naturels et domptés.
On finit ce voyage
internationalo-régional par une verveine fraîche et une promenade bienfaitrice dans
les vignes voisines, puis revenant sur nos pas et vers ce restaurant, on se dit
qu’il faut absolument dire à ceux qui ne sont pas au courant, qu’au bout du
chemin vallonnant entre vignes et champs, dans ce digne hôtel-restaurant, se
cachent des perles exotiques et des plats uniques qui vous réjouiront très certainement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire