mercredi 10 octobre 2012

Le Cerf, à la carte, compte rendu épicurien


Michel Husser est au tournant du siècle en matière de cuisine, entre ancienne et nouvelle, il sert de pont entre les générations. Des envies de Japon, l’amour de la tradition alsacienne, des fleurs d’ici, des épices d’ailleurs…il englobe le tout et nous propose ces assiettes et recettes signées.





Entrée
               
Convaincu par l’amuse-bouche, on se laisse souvent tenter ensuite par les propositions exotiques des entrées. Pour ma part j’ai choisi la découverte avec cette crevette Qwehli en marinade japonisante. Ce tableau fraîcheur, cru-cuit, parsemé de fleurs, on croit que l’on en arrivera trop vite à bout, mais à la dégustation c’est autre chose. 






Cela nous émoustille tant les papilles que l’on prend son temps, non pas que les épices brûlent ou que le saké saoule, mais c’est parce qu’on ne veut rien en perdre. Il faut dire que c’est rare de retrouver une telle maîtrise de l’acide et du piquant dans ce genre d’adresse.
La crevette, élevée en Mozambique sous un haut régime biologique, est à peine cuite par la marinade saké-yuzu, elle est tendre et repose sur une fine tranche de pain et se mélange avec quelques pousses des jardins. Le taboulé est de quinoa, pas triste avec ses petits légumes croquants en salpicon et quelques filaments de coriandre, il amène du croquant. Mais c’est le yuzu et le poivre Voatsiperifery de Madagascar qui font presque pétiller la bouche et qui nous éclaircissent l’appétit.




La marinade de grosses crevettes Qwehli au saké et yuzu, taboulé de quinoa, moutarde au gingembre 



Vin

Avec cela le choix du vin est très intelligent car l’on me propose un Pinot Blanc 2010 d’André Kientzler à Ribeauvillé. Il a ce qu’il faut de justesse et de simplicité pour éviter le trop-plein de sensations mais surtout il sait s’effacer devant la recette et nous calmer la bouche par son sérieux et sa sagesse.





Plat

Parce que ce qui va suivre a tout du très sérieux, avec ce plat de cochon de lait, cette ré-interprétation sans dénaturation de la fameuse choucroute locale, en version gastronomique. Aucune (bonne) raison pour autant d’en faire une mousse de chou et une gelée de cochon. Non la vision-maison c’est plutôt : comment mettre le meilleur d’un cochon de lait et du chou pour faire goûter ce plat aux coureurs d’étoiles, marqués par trop de déceptions dans les adresses lambdas d’ici ou de là.





Alors pour rassurer le chaland et le visiteur, la présentation est classique mais chaque morceau de viande est travaillé. Les petits carrés de cochons sont savamment taillés et bien blancs, la noix est tendre, le gras est fondant. Mais c’est un autre petit moment de grâce qui participe au grand intérêt du plat, avec le foie de canard, fumé, puis poêlé. Le rendu olfactif est vraiment étonnant, à l’aveugle  vous pourriez croire que c’est la meilleure saucisse de votre vie tant la texture du foie s’est raffermie et tant le fumé est juste.
Nous nous attardons sur le chou également, pour voir ce qu’il nous apprend. Comme les raisins dans la région, il est en ce moment au top de sa maturité, il est tellement nouveau qu’il se fait tendre mais c’est aussi car ici on ne sélectionne que la variété dite « fil d’or » (the best of the chou).
Déjà comblé on attaque le reste des béatilles, l’échine légèrement panée à la moutarde, le pied désossé puis ré-aggloméré, la couenne caramélisée, de superbes morceaux de gourmandises non coupables. On en arrive à bout à force de volonté et parce qu’on ne croise pas une choucroute comme celle-là tous les jours, croyez-moi.




Le carré de cochon de lait caramélisé à la moutarde, quelques béatilles, 
foie gras fumé et poêlé, choucroute toute nouvelle


Vin


Avec ce plat des plus local, buvons un vin du coteau sur lequel on est assis ; en effet le chemin qui part derrière le restaurant monte vers les chapelles certes mais aussi vers le grand cru Steinklotz. Il faut donc le goûter, on choisit alors le 2008 de Fritsch, en cépage riesling bien sûr. Le vin rempli son office même s’il est étonnement tendre pour le millésime, il a néanmoins assez de puissance à mettre en face de toutes ces belles cochonneries, il déglace le palais grâce à son petit côté acidulé et c’est toujours passionnant  de goûter le terroir dans lequel on va sans doute flâner plus tard, après le repas.





Dessert

Après l’entrée nous propulsant loin, puis le précédent plat, comme une vague qui nous ramène sur nos rivages, on n’a plus l’envie de repartir. Pour le dessert on continue alors dans le régional, avec ce baba à l’alsacienne…au kirsch bien entendu. Le baba prend simplement la forme (sans le fond) d’un kougelhopf baignant dans un sirop de sucre et de vanille, gâteau que l’on ré-imbibe allègrement d’eau-de-vie de cerise. Un petit pot de crème gourmande est là pour une dernière caresse et voilà un dessert simple comme bonsoir et qui nous permet d’entamer sereinement notre digestion.



Le baba à l'alsacienne au Kirsch


Car il nous reste quelques mignardises à picorer, dont la sélection du moment des macarons qui retiennent l’attention. On se rend compte à la première bouchée que l’exercice est maîtrisé ici depuis des années, bien avant que la mode ne s’en empare et que l’on en retrouve partout. Il est donc agréable de retrouver ces petits gâteaux aux coques qui craquent sous la dent et à la meringue qui fond en bouche, relâchant des arômes naturels et domptés. 




On finit ce voyage internationalo-régional par une verveine fraîche et une promenade bienfaitrice dans les vignes voisines, puis revenant sur nos pas et vers ce restaurant, on se dit qu’il faut absolument dire à ceux qui ne sont pas au courant, qu’au bout du chemin vallonnant entre vignes et champs, dans ce digne hôtel-restaurant, se cachent des perles exotiques et des plats uniques qui vous réjouiront très certainement.


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